Les Glaives — Dans les mines

Scansion nerveuse, voix rayée, verbe rageur, toujours précis, qui sonde les turpitudes de l’âme. Rodrigue Sergent chanterait-il en anglais qu’on aurait l’impression de tenir entre ses mains la nouvelle livraison de dEUS. Porté à bout de bras par le Lillois qui écrit paroles et musique, «Dans les mines» est un long poème cruel qui culmine avec «Amour Retour», decrescendo de guitares doublées à l’octave qui finissent littéralement par se dissoudre, image négative de «Roses» des Anversois dont l’issue était bruitiste et cathartique. L’autorité naturelle de Sergent, à qui on prête un caractère de cochon, est le moteur de cet album à la tonalité homogène et aux arrangements amples, personne ne dira le contraire. Mais la présence à ses côtés d’un line-up entièrement renouvelé, constitué – ô surprise! – d’une majorité de Belges, dont certains proches de Zita Swoon, Alamo Race Track et Ghinzu, marque un tournant dans l’histoire du groupe né à la fin des années 90. Jusqu’alors, le chanteur-guitariste était un pur produit de la scène lilloise, pratiquant avec une poignée d’amis d’enfance un grindcore basique mais honnête. Au sein de la formation, les tensions ont commencé à se faire sentir quand certains musiciens ont voulu ajouter une dimension parodique aux morceaux, dans l’esprit de Gronibard ou Hynnner Vs Hant1s3. Rodrigue Sergent s’y est opposé, préférant continuer seul le temps d’un album («Tant qu’on peut»), retour aux sources du punk français à travers un hommage à OTH, mais l’échec de la démarche (un peu trop sage) l’a beaucoup affecté. Le hasard a voulu qu’il croise Bert Gildersleeve (basse, chant) et sa clique au festival de Pukkelpop, où ils étaient tous venus en simples spectateurs. On connaît la suite.