O'Gonzo — Vigorous Kids

Cuir rugueux et couture apparente d’un vieux falzar de Jim Morrison? La couverture de «Vigourous Kids» sonne comme l’apologie ultime de l’accessoire de mode. En réalité: un énième pied de nez de la part d’un groupe qui refuse tout mercantilisme et autre starification. Originaire de Cincinnati, O’Gonzo moque depuis toujours les dérives des majors, et, plus encore, celles des groupes qui jouent leur jeu. Dans cet opus, Travis Jones et consort tirent à boulets rouges sur ceux qu’ils surnomment les «sick showbiz freaks», ces musiciens davantage portés sur leur compte en banque que leur probité artistique. Leur munition? Un métal industriel aux riffs tranchants comme des scies circulaires, capables de débiter les «baby stars» en tranches comme dans «Red Carpet», titre d’ouverture lourd et suffocant. Les influences (Nine Inch Nails, Ministry, Rammstein, entre autres) sont passées au broyeur et régurgitées à un tempo ritenuto, lent comme un continent qui s’enfonce, avec la menace toujours omniprésente d’un séisme. D’ailleurs, les chocs sont nombreux tout au long de l’album, de l’explosion de décibels de «Slain (Touch My Skin)» qui parle de nécrophilie à Hollywood à «Between My Legs» et ses hurlements stridents de femmes en détresse, en passant par le carnage commis dans un bled texan par un nourrisson de six mois («W.T.F.», satire sur le thème du 2e amendement). Souvent comparé à Killdozer, O’Gonzo entretient ses pulsions morbides sans se départir d’un certain humour (très noir); il maîtrise de surcroît son art et sait s’arrêter juste avant la nausée. Pour preuve: «Martin Sheen Memories» et son staccato rafraîchissant, plein d’allant, qui ferait presque oublier que le refrain est vomi à travers un mégaphone. Un répit bienvenu avant la montée en puissance des trois derniers morceaux (sublimissime «Catalina»), reflet subjectif d’un monde en péril. La musique gonzo est née.